Expédition en Amazonie andine
- Bastien A
- 14 avr.
- 25 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 4 jours
Amazonas, Pérou
En 2024 s’est déroulée la 21ème expédition du Groupe Spéléo de Bagnols Marcoule (GSBM) dans les montagnes péruviennes. Et comme toute bonne expédition, ce devait être la dernière. Initiées en 1979 et reprises en 2003 sous l’impulsion de Jean-François Perret, Jean-Loup Guyot (directeur d'antenne IRD au Pérou) et Jean-Denis Klein (président du GSBM), ces expéditions annuelles ont pour vocation de mettre en lumière le réseau hydrogéologique d’affluents péruviens de l’Amazone, de développer la spéléologie dans le pays en formant ses habitants, et même de dépoussiérer quelques vestiges archéologiques pré-Incas.
Le potentiel y est énorme. La distance entre l’émergence du Rio Negro et ses pertes présumées sur le haut plateau de Granada représente un potentiel de 2400 mètres de dénivelé pour une vingtaine de kilomètres de long à minima. Le ralliement de ces deux extrémités en ferait la cavité la plus profonde du monde (en 2025), au prix d’années d’exploration. Un peu plus bas, les réseaux souterrains du massif voisin abritent déjà le plus long réseau souterrain exploré du Pérou (Parjugsha Grande) et doivent encore nous livrer rivières et kilomètres de première pour cette ultime expédition. La dernière partie de l’expédition tient place dans une région moins haute et davantage peuplée, où le savoir et l’expérience du GSBM a permis depuis plus d’une décennie déjà d’accompagner les péruviens dans le développement d’un tourisme de grottes. Au point de jouer un véritable rôle d'expert, dans l’aménagement, la formation et le secours souterrain. Joies, découvertes et désillusions nous ont accompagnés dans ce périple, sur les traces d’anciennes tribus andines.

GRANADA
L’émergence péruvienne du Rio Negro (à Naciento del Rio Negro), est l’une des plus grosses exsurgences d’Amérique du sud connue à ce jour, avec un débit moyen de 24 m3/s. Elle alimente le Rio Mayo, affluent du Rio Huallaga, puis du Rio Maranon, jusqu’à l’Amazone. La perte du Rio Negro n’est pas connue, mais on connaît son bassin versant - le massif calcaire du Cerro Blanco dont les plus hautes pertes repérées sont espacées d’une vingtaine de kilomètres (à vol d’oiseau) de l’exsurgence du Rio Negro, respectivement à 3300 mètres et 900 mètres d’altitude.
La première partie, certainement la plus difficile, a lieu à 3500 mètres d’altitude. Une grosse journée de marche est nécessaire pour monter sur le haut plateau de Granada. Seuls Jean-Yves et Julien représentent le GSBM face aux spéléologues anglais, irlandais, hollandais, autrichiens et allemands qui n’en sont pas à leur coup d’essai dans cette région. Ces derniers doivent trouver ici un défi à la taille de leur organisation, aux allures militaires, dans la recherche du gouffre le plus profond du monde. Les conditions difficiles ne les effraient pas. La température est fraîche, l’oxygène réduit, les journées comme les nuits démarrent tôt pour cette équipe internationale. Après 3 semaines se posera la question d’installer un premier bivouac sous terre. En effet ce sont 350m de dénivelé et 6h de progression qui séparent l’extrême aval exploré de l’entrée. Le record n’est pas pour demain, mais on ne peut jurer de rien sous terre.
Le départ de l’équipe internationale, dont la participation se limite à cette partie - la plus difficile sur le plan physique comme psychologique - coïncide avec l’arrivée de nouveaux membres du GSBM sur le même massif venus rejoindre nos compagnons français et Tonio, déjà en place depuis 3 semaines. Plus que quelques jours avant de redescendre, assez pour découvrir peut-être le plus profond puits du Pérou : un puits sec estimé à 170 mètres de profondeur ! Arrêt sur rivière. La nouvelle voie royale ?
GUERRIERS DES NUAGES
Il se dit que le peuple andin des Chachapoyas avait pour habitude de s’installer aux sommets des montagnes car, superstitieux, les autochtones craignaient de rencontrer des démons plus bas, tandis que plus haut, ils se voyaient plus proches du ciel et moins vulnérables. Les Chachapoyas auraient vécu dans cette région à partir de 600 ans après J-C jusqu’à la fin du 15ème siècle, finalement chassés par les Incas malgré leur courage et leur combativité. S’en est suivi une alliance des guerriers des nuages avec le conquistador espagnol Francisco Pizarro, permettant aux premiers de prendre leur revanche sur l’empire Inca, défait en 1533 par Pizarro avec l’exécution de l'empereur inca Atahualpa. Les Chachapoyas, qui par cette alliance désiraient se défaire de la domination Inca, finirent par subir la domination espagnole. L’héritage laissé par cette ethnie est immense : la cité de Kuelap. Site archéologique majeur du Pérou, cette cité surplombe sa région, perchée à 3000 mètres d’altitude. Bien que moins connue que la cité inca du Machu Picchu, Kuelap est plus ancienne de plusieurs centaines d’années. Cette forteresse de calcaire est protégée par un mur de 20 mètres de haut et renferme les fondations circulaires de 500 habitations, étalées sur près de 110 mètres de large et 600 mètres de long, et a nécessité trois fois plus de pierres que la pyramide de Khéops.
Nous nous retrouvons tous ensemble (l’équipe franco-péruvienne) pour la première fois à Chachapoyas le 13 septembre 2024. Cette ville de 30 000 habitants est nichée à 2300 mètres d’altitude sur le versant oriental des Andes péruviennes. Son nom provient du peuple andin et pré-inca : les Chachapoyas – surnommés les « guerriers des nuages » par les Incas. On comprend vite pourquoi ce surnom. Cette région est bordée à l’ouest par le climat froid et sec des Andes avec des sommets à plus de 4000 mètres, et est envahie à l’est par le climat chaud et humide de la jungle amazonienne. La rencontre de ces climats a pour résultat une condensation de l’air et la formation régulière de nuages dans cette région de moyenne montagne.
De nombreux trésors archéologiques ont été découverts, analysés et interprétés, et beaucoup restent encore à découvrir dans les cavités. Chaque expédition a droit à son lot de surprises et de découvertes archéologiques, donnant tout le loisir aux spécialistes en archéologie du groupe, Jean-Yves et Christian, de passer plusieurs heures à observer et analyser ces trouvailles, et à élaborer des théories sur le pourquoi du comment. Nous avons trouvé, par exemple, dans la grotte d’Olvidado un magnifique récipient en céramique de 60 cm de diamètre, à côté de d'un ancien foyer et d’une aiguille à coudre (avec son chas) taillée dans un os. Selon nos camarades, la céramique serait trop travaillée pour être utilisée en simple ustensile de cuisine et l’endroit trop reculé dans la grotte pour être un lieu de réunion ou d’artisanat. Notre ami péruvien Carlos suggère que certains Chachapoyas venaient peut-être se reclure ici pour procéder à des rites vaudous, expliquant la présence de l’aiguille à coudre. Reste que ces artefacts archéologiques sont devenus monnaie courante au Pérou, dont les pilleurs de trésors ont développé un marché illicite. C’est pourquoi il nous est interdit de sortir le moindre artéfact par le gouvernement péruvien. Si l’histoire et l’archéologie sous-jacente de la région nous passionnent, ce n’est pas non plus notre objectif premier. On en oublierait presque que nous sommes spéléologues : portés par l’excitation et l’adrénaline de la « première », motivés par la découverte de réseaux souterrains, par le recensement et la topographie de cavités nouvelles, par la poursuite de ces cours d’eau qui ne cessent de nous glisser entre les mains sous forme de pertes, résurgences ou siphons, par la recherche de cet infime courant d’air porteur d’espoir... Peut-être pour les mêmes raisons qui poussent certains plongeurs à explorer de nouvelles fosses - apporter la lumière là où l’obscurité nous prive de certitude.
La rencontre au complet de l’équipe française à Chachapoyas, arrosée de piscos sour, marque le point de départ du 2ème chapitre de l’expédition : l’exploration des moyennes montagnes de Soloco, dont certaines dépressions et cavités doivent être revues, parfois 20 ans plus tard. Ce massif, parcouru depuis toujours par le GSBM, abrite déjà le plus grand réseau souterrain du Pérou : le Tragadero de Parjugsha Grande, dont les 4070 mètres de développement et 247 mètres de profondeur ont été explorés par le club gardois entre 2003 et 2004.
SOLOCO
L’histoire récente du village de Soloco s’écrit à coups de couteaux dans la viande bovine et d’élevage de truites, mais ses origines se racontent à coups de résurgence divine. Malgré l’arrivée et l’allégeance faite aux conquistadors espagnols au 16ème siècle, différentes communautés chachapoyas continuèrent de vivre au sein des montagnes. Dans les hauteurs de Soloco vivait une communauté qui souffrait d’un manque d’eau. En effet, aucune source n’existait dans les environs, si bien que les indigènes attendaient avec impatience chaque printemps la saison des pluies. Le reste du temps, ils cherchaient ardemment de l’eau, ressource rare et toujours économisée. Dans cette recherche d’une source, devenue désespérée, un homme appartenant à la communauté et surnommé Solo (pour sa vie solitaire), revint un soir en affirmant avoir trouvé une importante source d’eau, plus bas dans les montagnes. Une résurgence ! Euphorique et fou de joie de sa trouvaille, il invita tout le village dès lors à le suivre vers cette source. Mais comment croire en une source inconnue de tous dans ces terres déjà parcourues depuis des centaines d’années ? Personne ne crut celui surnommé “le fou” désormais. Solo resta solitaire. Heureusement, le temps fit son effet et ses camarades finirent par voir que celui surnommé Solo Loco (“le fou solitaire”) ne mentait pas, il avait bien trouvé une résurgence. Largement agrandie, celle-ci traverse aujourd’hui sous forme de rivière le village de Soloco - construit en aval - lui permettant d’avoir l’eau courante ainsi que des piscicultures. Parallèlement, le nom du village a pris la contraction du nom de son bienfaiteur Solo Loco.
Le GSBM n’est plus étranger du village de Soloco et de ses habitants qui voient depuis plus de 20 ans le club gardois y poser ses sacs. C’est aussi la raison de leur relative hostilité. Certains villageois y voient l’occasion de nous faire payer pour nous laisser prospecter et explorer leurs montagnes. Si nous avons d’excellentes relations avec certaines familles qui hébergent et nourrissent les membres du club depuis tant d’années, d’autres habitants se sentent lésés de ne pouvoir prétendre au revenu inhérent à notre venue. Par peur ou par défense, d’autres vont même jusqu’à nous accuser de piller les trésors archéologiques de leur région. Ainsi, notre arrivée dans le village débute par une réunion avec les locaux (pour ou contre notre venue), les élus locaux et quelques membres de notre équipe. Après de longues discussions, il est décidé de nous laisser librement explorer la zone, pourtant parcourue depuis déjà deux décennies. En contrepartie nous devrons : changer de maison pour le dîner si d’autres habitants se proposent de nous accueillir, payer un habitant pour nous guider jusqu’aux cavités voulues et leur ouvrir nos sacs avant notre départ s’ils le souhaitent. Aucune de ces 3 conditions ne sera finalement mise à l’œuvre par les villageois, comme nous ne sentirons aucune véhémence à notre égard lors des 3 semaines passées dans le village. Au contraire, nous finirons même par parader en tenue de spéléologie dans leurs rues, à l’occasion de la fête du village ! Depuis 2003, ce sont plusieurs dizaines de cavités et de kilomètres qui ont pu être explorées par le GSBM dans la seule zone de Soloco. Tandis que la prospection a été grandement facilitée par la construction d’une route partant du petit village de Soloco jusqu’à notre terrain de jeu et au-delà. C’est le front pionnier : l’extension du territoire cultivable et agricole, au détriment d’un territoire vierge, comme la forêt primaire.
EXPLORATION DES TOCLON
Les objectifs 2024 se portent sur les “Toclon” : noms donnés aux différentes entrées supposées d’un seul et même système souterrain. Les dolines de ce secteur révèlent très souvent des entrées et des rivières souterraines que l’on aimerait toutes connecter entre elles, afin de pouvoir former un seul et même réseau qui deviendrait le plus grand du Pérou. A ce jour, seuls Toclon 3 et Toclon 4 ont été jonctionnés. La voûte mouillante de Toclon 3 n’avait alors pas stoppé les membres du GSBM en 2020, contrairement au Lac des îles qui marqua l’obstacle final de la topographie, quelques dizaines de mètres plus loin. Durant notre expédition, nous espérons agrandir le réseau Toclon en rejoignant le Lac des îles par la rive opposée, plus précisément en passant par la grotte d’Olvidado dont l’entrée est située à seulement quelques centaines de mètres de Toclon 3. Olvidado a été explorée l’an passé avec un arrêt sur une belle rivière en amont comme en aval qui se dessine en direction de Toclon 3 et du Lac des îles. A vol d’oiseau, seulement 600 mètres séparent les derniers points topographiés de chacune des cavités : l’espoir est permis. Une jonction avec Olvidado agrandirait ainsi le réseau Toclon 3 - Toclon 4 d’au moins 1,5 kilomètre.
Les premiers jours sont occupés à équiper Olvidado jusqu’au dernier point topographié de l’expé précédente et d’y poursuivre l’exploration, en aval de la rivière. C’est alors qu’à la rivière déjà bruyante s’ajoute le bruit du perforateur dans le calcaire marneux afin de franchir les obstacles qui entravent l’exploration : toboggan, puits et ressauts, accompagnés de cascades et de quelques vasques parfois traversées à la nage. Combinaison néoprène facultative avec une eau qui ne descend pas sous les 10 degrés et une température ambiante autour des 12 degrés. Une fois ces cascades franchies, la progression devient beaucoup plus horizontale et hospitalière. On suit la rivière sur près de 300 mètres, dans des galeries aux dimensions agréables qui semblent nous conduire vers le convoité Lac des îles sur un tapis rouge, et a fortiori vers la jonction avec Toclon 3. Malheureusement notre euphorie est stoppée le 3ème jour car l’équipe de pointe bute sur un chaos de bloc dans lequel la rivière disparaît sous forme de siphon. Le courant d’air suggère une suite, mais les étroitures suggèrent de finir la topographie ici. Déception non dissimulée au retour, à la hauteur de l’enthousiasme que la cavité suscitait depuis quelques jours. Heureusement, les nombreux objectifs du secteur vont rapidement nous faire oublier cet échec. Comme dit Jean-Loup : « On laisse la désob’ aux générations futures ».
En parallèle de cette fin d’exploration, une équipe retourne visiter le fond d’une doline voisine afin de revoir une entrée anciennement repérée mais non explorée : Toclon 5. L’entrée, au sein d’une énorme faille, est très esthétique et nous fait descendre de 50 mètres. S’ensuit une progression majoritairement verticale, composée de puits, de ressauts et de méandres, jusqu’à la côte de -200 mètres où l’on trouve une belle rivière. En son amont un siphon, et en son aval une galerie plus qu’engageante. Assez pour nous faire oublier la désillusion d’Olvidado et nous faire reprendre espoir. Les données topographiques - rentrées chaque soir sur l’ordinateur - indiquent au fur et à mesure des journées d’exploration que la rivière de Toclon 5 part en direction de la voûte mouillante du réseau Tocon 3 - Toclon 4. Quelques 300 mètres séparent les deux réseaux affichés en rouge sur l’ordinateur. Nous rêvons à nouveau de jonctionner avec le Lac des îles et de ressortir par Toclon 3, où les cordes ont été laissées dans l’espoir d’une traversée.
C’est dans cette optique que nous partons l’avant-dernier jour, munis d’une corde de 80 mètres pour la potentielle main courante au-dessus du Lac des îles, quelques bouts de cordes, des goujons et un perforateur. Utilisés à bon escient pour le franchissement de passages aériens, ressauts et vasques. Les mètres de « première » défilent en aval de l’actif mais toujours pas de lac, bien que la rivière nous force parfois à prendre des détours plus aériens qu’aquatiques. L’heure nous dit de rentrer si nous voulons respecter le rendez-vous fixé avec les autres équipes à l’extérieur, alors qu’à nouveau la rivière devient trop profonde pour la traverser sans s’immerger. Nous grimpons de quelques mètres sur un côté afin de trouver un passage. Rien de bien. Nous sautons au-dessus de l’eau sur la rive opposée, presque reliée par un pont rocheux. Rien de mieux. Faute de temps pour équiper une vire, nous décidons de continuer sans corde et avec le maximum de surface de notre corps collée à la paroi. Aucune envie de glisser dans l’eau quelques mètres plus bas… Puis des cris résonnent. Des cris d’euphorie et de joie ! Arrivés de l’autre côté, nous tombons nez à nez sur du vernis jaune : un point topographique ! Nous venons de traverser le Lac des îles et de jonctionner avec Toclon 3 alors que nous n’y pensions même plus, trop occupés par le franchissement de cet obstacle. Cela change nos contraintes horaires, puisque nous pouvons désormais sortir par Toclon 3. Nous équipons la vire du lac d’une main courante avant d’être rejoint par l’équipe topo, avec qui nous fêtons ça. Nous ressortons et finissons ainsi notre traversée péruvienne que nous n’osions plus espérer. Le réseau Tocon 3 - Toclon 4 s’est vu agrandi de plus d’1 km avec cette jonction pour former le système Toclon 3 - Toclon 4 - Toclon 5, profond de 180 mètres et long de 2323 mètres. « Une bonne chose de faite » comme dirait Pierrot. Une traversée en U et le déséquipement des deux cavités s’imposent le dernier jour et marquent la fin de cette semaine riche en premières et en émotions.
Les conditions de vie, plus qu’agréables lors de cette semaine (logés et nourris chez l’habitant), vont se durcir un poil pour la semaine à venir. Nous prévoyons de camper plus haut dans la montagne, non loin de la perte de Santa Maria. Un nouvel objectif nous attend : jonctionner Santa Maria et Parjugsha Arriba.

SANTA MARIA
A Santa Maria, nous venions avec l’espoir de trouver une porte entre les grottes de Santa Maria et de Parjugsha Arriba, et de s'offrir une nouvelle traversée. Mais alors que nous la tenions fermement pendant quelques instants, celle-ci s’est volatilisée. Par un tour de magie que ni notre expérience ou nos connaissances, ni même notre imagination, n’ont réussi à expliquer.
Malgré les 3000 mètres d'altitude, la végétation est toujours présente, au point de devoir parfois sortir la machette pour avancer dans cette forêt primaire gardée par les perruches et tarentules. C’est Manuel, le chef de notre famille hôte à Soloco, qui nous emmène avec ses mules chargées de notre matériel jusqu’au lieu de camp de Santa Maria. De la coca plein la bouche pour l’aider à oublier son âge, un verre plein de cachaça pour l’aider à oublier son genou et voilà qu’il nous guide sur les hauteurs de Soloco et ses lignes de crête. Nous longeons encore des champs de patates et de maïs : derniers signes du front pionnier de ce massif andin. Santa Maria est le nom donné à la perte-cavité la plus haute en altitude d’un réseau supposé de plusieurs entrées, finissant en aval par la résurgence de Soloco. Le camp est idéalement placé dans une baume à flanc de falaise et surélevé de quelques dizaines de mètres par rapport à la rivière de Santa Maria, qui vient se perdre dans la falaise. L’objectif des 5 prochains jours est de poursuivre l’exploration souterraine de la rivière de Santa Maria, et idéalement de la connecter avec Parjugsha Arriba, second trou en amont du supposé système. Ce dernier est à 1h de marche du camp : il faut monter et descendre des dolines jusqu’au fond de la dernière dépression où, dans une végétation dense, le lit sec d’un ruisseau nous conduit à l’entrée du trou.
Deux équipes sont constituées : la première pour explorer la perte de Santa Maria, la seconde pour explorer Parjugsha Arriba. Si Santa Maria a été équipée et explorée en partie l’an dernier, les deux cavités n’ont pas fait l’objet de véritable première depuis plus de 15 ans. La rivière de Santa Maria doit très probablement permettre de rejoindre et de connecter les deux trous, séparés de 600 mètres à vol d’oiseau. L’exploration de Santa Maria se fait plutôt verticalement pour commencer, avec plus de 200 mètres de puits à équiper ; avant d’entrer dans une progression horizontale et labyrinthique par moment, jusqu’à la découverte d’une énorme salle d’effondrement. Celle-ci mesure environ 100 mètres de large et 40 mètres de haut, jonchée d’immenses blocs de calcaire tombés du plafond. L’unique passage trouvé entre les blocs vers le sol de la salle conduit à une rivière, qui siphonne en amont et en aval rapidement. Au total : 1244 mètres de développement et 207 mètres de profondeur pour la perte-grotte Santa Maria, et aucune suite évidente vers Parjugsha Arriba, à notre grand dam.
Quant à Parjuhsga Arriba, il nous faut d’abord la replacer dans son contexte. Repérée en 2004, la cavité a déjà fait l’objet d’explorations en 2005 par le GSBM. C’est Pierrot le dernier à avoir foulé son argile 19 ans plus tôt et qui, toujours présent en 2024, nous décrit son exploration jusqu’à une grande salle marquant le point final de la topographie en 2005. Bien que quelques ressauts l'avaient conduit une cinquantaine de mètres plus bas, jusqu’à un petit puits en haut duquel il avait cru entendre une rivière. Par manque de temps et de matériel, il avait dû faire demi-tour sans pouvoir vérifier ses suppositions. A nous de trouver cette rivière, et si possible la jonction avec Santa Maria.
C’est ainsi qu’après quelques puits, jusqu’à la côte de -150 mètres, nous découvrons sans grande surprise cette gigantesque salle d’environ 100 mètres de long et 20 mètres de hauteur. On y trouve encore les points topographiques au vernis. Nous fouillons donc la grande salle jusqu’à trouver les ressauts décrits par Pierrot. Obstacles que nous survolons sur une centaine de mètres jusqu’à arriver en haut d’un petit puits, où l’équipement à l’aide d’une corde est indispensable. Nous sommes visiblement là où Pierrot avait dû faire demi-tour. En bas, un mince filet d’eau coule. Plus aucune trace de vernis topographique ou de passage n’est à signaler dans cet enchaînement de ressauts depuis la grande salle. Du moins jusqu'en bas de ce dernier petit puits… Descendu le premier, Raphaël s’exclame de voir des traces de chaussures dans l’argile au sol ! En effet, deux différentes empreintes de semelles sont présentes dans l’argile : nous venons de jonctionner avec Santa Maria ! Les empreintes paraissent fraîches, elles sont dans l’argile humide qui laisse passer un mince filet d’eau, signe que par période de crue, l’eau doit passer ici. Nous sommes certains de rencontrer nos compagnons d’ici quelques minutes. Enfin, c’est ce que nous croyons. Quelques mètres plus loin seulement s’ouvre une salle, fermée d’un côté par un effondrement de blocs mais dont on devine une autre salle derrière, au vu du noir intense sous les faisceaux de nos frontales. Une petite escalade nous emmène au sein d’une nouvelle salle gigantesque ! Mesurant cette fois près de 150 mètres de long et avec un plafond de 40 mètres de haut par endroit. D’un côté, une cascade venue d’une cheminée tombe dans un nouveau puits, tandis que de l’autre côté une grosse rivière serpente à l’horizontale entre des dunes d’argile. Nous glissons sur les fesses jusqu’à rejoindre la rivière que nous suivons en aval sur une cinquantaine de mètres, toujours dans la grande salle. Malheureusement la rivière disparaît dans un siphon, en aval comme en amont… Nous continuons notre tour de la salle : une énorme lucarne et un départ de laminoir sont aussi marqués d’un point d’interrogation sur la topographie. Le temps nous manque pour lever le voile sur ces suites potentielles. Finalement, nous ne voyons pas plus de traces de pas dans la grande salle ou ailleurs : aucune connexion avec Santa Maria n’est établie. Mais alors d’où peuvent venir les empreintes découvertes à la base du dernier puits ?
Difficile d’imaginer que les traces – malgré leur fraîcheur apparente – proviennent de l’équipe de Santa Maria, puisque nous n’avons pas jonctionné avec cette dernière. Les relevés topographiques montreront même par la suite que les deux réseaux partent dans des directions opposées et sont séparés de plusieurs centaines de mètres. Seraient-elles les traces d’une ancienne exploration faite dans la grotte de Parjugsha Alto, en aval ? Encore une fois le report des topographies donne un écart d’une centaine de mètres, et aucune grande salle comme celle trouvée n’est présente sur la topographie de Parjugsha Alto. Difficile également d’imaginer que les empreintes puissent dater de 20 ans au vu de leur place dans l’argile fraîche, où coule un filet d’eau qui doit inonder et remodeler la galerie à chaque saison des pluies. En 2005, 373 mètres avaient été topographiés pour 150 m de profondeur, tandis que les empreintes découvertes sont à plus de 700 mètres de l’entrée et à 210 mètres de profondeur. Pierrot, dernier visiteur officiel, témoignait : « J’ai cru entendre le bruit de la rivière, mais j’étais seul à cet instant et il était temps de faire demi-tour. C’était le dernier jour de l’expédition ». Ce que confirment les archives du GSBM. La description concorde avec ce que nous avons vu, mais même en considérant que ses souvenirs se soient altérés et que son agilité lui ait permis de tout descendre en libre, comment imaginer que Pierrot se soit arrêté après avoir fait le plus dur, au pied de ce dernier puits ? Alors que seulement quelques mètres le séparaient de la rivière tant convoitée et de la 2nde grande salle majeure de la cavité ? Et comment expliquer la présence de deux semelles différentes ? A partir de là, la dernière explication plausible est la visite d’un autre groupe de spéléologues. Les péruviens ? Le seul club du Pérou (ECA), étant étroitement lié à nos excursions, aurait informé le club gardois d’une telle exploration. Les anglais ? Ils ne viennent pas sur cette zone, et de surcroît partagent toutes leurs informations avec le GSBM. Enfin, aucune trace d’équipement (spits, goujons, amarrages forés) n’a été notée lors de cette dernière partie. On regrette alors de ne pas avoir pris en photo les empreintes, trop excités à l’idée de retrouver nos camarades quelques mètres plus loin.
Une dernière soirée au coin du feu, à boire une dernière rasade d’eau de vie et à fumer un cigare pour digérer les haricots et le mystère d’Arriba. Des heures à débattre du possible et de l’impossible, de l’imaginable et de l’inimaginable... Mais rien n’y fera, le mystère reste entier. De belles et majestueuses salles auront tout de même été découvertes dans les cavités de Santa Maria et d’Arriba, totalisant 2,1 km de développement.

POLITIQUE PÉRUVIENNE
L’actuelle présidente du Pérou, Dina Boluarte Zegarra, succède à Pedro Castillo qui, anticipant un vote du Congrès pour sa destitution, a tenté un auto-coup d’État afin de dissoudre le Congrès de la République. La non coopération de l’armée, entre autres, conduira à sa destitution pour « incapacité morale » et à la nomination de sa vice-présidente, Dina Boluarte, à la tête du pays. Dina Boluarte Zegarra est à la tête du parti Pérou Libre, se voulant socialiste et marxiste et qui prône 3 piliers dans son programme : la santé, l’éducation, et l’agriculture. L’anti-impérialisme est également revendiqué, affirmant ainsi la volonté de se détacher de la tutelle des USA et des idées pro-libérales qui ont affaibli le pays depuis plusieurs décennies.
Le Pérou est une démocratie largement marquée par les idées pro-libérales et d’austérité budgétaire imposées par le consensus de Washington dans les années 90. Si les États-Unis se sont bien gardés de s’imposer une telle politique pour relancer leur économie, lors de la Grande Dépression des années 30 ou après la 2nde Guerre ; le Mexique, l’Argentine, le Brésil, la Colombie, la Bolivie et le Pérou ont déréglementé, libéralisé et privatisé davantage en quelques années que tout autre pays en 40 ans : mais tout cela sans connaître la croissance attendue et promise. Au contraire. l’apparition d’une forme de précarité et un accroissement de l’insécurité ont été constatés.
On découvre en périphérie des dizaines de milliers de maisons précaires collées les unes aux autres, agglutinées sur les collines qui témoignent de la pauvreté et des conditions que connaissent les péruviens - loin du centre-ville américanisé de Lima. Ni la gestion des déchets, ni la pollution ne font partie de leurs soucis. Un homme regonfle le pneu de sa voiture avec une pompe à vélo : c’est déjà une chance. Heureusement le modèle américain s’efface à mesure que l’on s’enfonce dans la province, au profit de la culture péruvienne. La nourriture, la musique et plus généralement l’art y restent très traditionnels. Les coeurs ne peuvent être achetés à coup de dollars.
PALESTINA
Le dernier chapitre de notre aventure se déroule sur le piémont andino-amazonien, dans le village de Palestina. Région hybride entre les hauteurs des Andes et l’immense plaine amazonienne. Depuis 2010, les membres du GSBM ont largement prospecté la zone autour de Palestina, explorant la 2nde cavité la plus profonde du Pérou avec 477 mètres de dénivelé (Tragadero de Bellavista). Ils ont aussi eu l’occasion d’inscrire leur projet dans une dimension plus sociale en aidant les habitants à développer un commerce lié au tourisme souterrain. Topographie, aménagement technique, conseil en développement et formation en secours souterrain sont autant d’aspects sur lesquels le club gardois a pu contribuer depuis bientôt 15 ans dans cette région.
C’est sur le site de la grotte touristique de Palestina que nous séjournons pour cette dernière partie. L’endroit est plus qu’agréable : un grand terrain de foot bordé de palmiers, des paillotes abritant des hamacs, et une belle et grande terrasse entourée du local matériel et de la grande cuisine, gardés par les poules, chiens et chats de notre famille hôte. Bien qu’il fasse nuit lorsque nous arrivons, nous sentons déjà la présence de la forêt amazonienne dont des sons émanent en continu : oiseaux, insectes, et crapauds trahissent la végétation luxuriante. On ressent de suite une température plus chaude et un air plus humide, comme en témoignent les hordes de moustiques. Nous passons ainsi de 3000 mètres à 800 mètres d’altitude. Plus 30 cm, la différence entre le sol et le fond du hamac. De quoi nous faire sentir un peu plus en vacances pour cette dernière semaine.
Deux objectifs pour ce camp : continuer de prospecter la zone à la recherche de nouvelles cavités, et proposer un stage de “secours en milieu souterrain”. A la demande de la grotte de Palestina et de la mairie de Nueva Cajamarca, cette formation “secours” doit se dérouler sur 3 jours et est destinée aux guides locaux, pompiers et autres spéléologues amateurs. De cette façon va naturellement se former 2 groupes : les plus jeunes en prospection et les plus expérimentés en formation secours.
La prospection, réduite à une équipe de 4 personnes, est plus laborieuse que les semaines précédentes. Le haut plateau de Granada n’était pas défendu par la dense végétation ni par les moustiques, tandis qu’à Soloco nous n’avions pas eu à prospecter tant les objectifs étaient déjà nombreux. Nous partons cette fois de zéro, ou presque. Et pour ajouter un peu de difficulté, la zone a déjà été maintes fois courue par le GSBM. Inutile de prospecter à l’aveugle dans ces forêts, il est préférable de s’arrêter dans les villages et de demander aux habitants s’ils ont connaissance de gouffres. Cela nous permet également de tisser des liens avec les locaux qui nous aident ensuite en se faisant passer le mot. Cette démarche fait rapidement ses preuves. Sur les 4 jours de prospection, 6 cavités nous sont conduites par des locaux, propriétaires des exploitations agricoles (chakras) sur lesquels se trouvent des gouffres. Entre caféiers, cacaoyers et bananiers, nous suivons nos guides sur leurs chakras vers les gouffres promis. Et quand il n’y a pas de guide, nous combattons les moustiques et autres insectes sous la chaleur et la transpiration tout en se frayant un chemin à coups de machette au travers des caoutchoutiers, lianes et fougères géantes. Au sol, des milliers de fourmis, en fil indienne, transportent des morceaux de feuille verte qui serviront à faire pousser des champignons afin de nourrir les larves et leur reine. Malheureusement pour nous, les explorations souterraines qui s’ensuivent ne durent jamais plus d’une demi-journée… Bien que certains gouffres d’entrées atteignent 60 mètres de profondeur et nous font espérer le meilleur, leurs bases - presque toujours gardées par des tarentules, plus grosses et plus belles les unes que les autres - ne dévoilent jamais la moindre galerie ou le moindre puits supplémentaire.
Heureusement que l’équipe des moins jeunes assure avec brio de son côté la formation de secours souterrain auprès du public péruvien. Les 3 jours sont vite remplis entre les diaporamas, la théorie, les retours d’expériences, la confection de point chaud, la manipulation de brancard, la mise en situation de tout cela dans la partie touristique de la grotte de Palestina, et même quelques pas de salsa ! Le GSBM a encore une fois su partager ses compétences et connaissances au service de la spéléologie au Pérou et de ses habitants, apportant une touche sociale à cette expédition.
Quant à la grotte de Palestina, objet de visites touristiques pour sa partie fossile, elle est la 3ème plus longue cavité péruvienne avec ses 3,4 km de long. Et sûrement l’une des plus belles, magnifiée par sa rivière souterraine que l’on remonte en suivant l’amont de la grotte jusqu’à finir dans une belle et grande salle avant un siphon. L’entrée de la cavité se distingue également par ses habitants : myriapodes, scolopendres et amblypyges jusqu’à 40 cm de long nous accueillent. Tandis qu’au sol des milliers de pousses de plantes s’efforcent de grandir malgré l’obscurité. A mesure que l’on s’enfonce dans la grotte, des cris grinçants résonnent dans la galerie. Accompagnés de claquements. Puis des battements d’ailes de plus en plus fort s’ajoutent à cette cacophonie. Enfin, des yeux rouges trahissent les derniers locataires de la cavité qui, nichés dans les failles et recoins des plafonds, nous observent ou nous frôlent en hurlant afin de se repérer. Pas de chauves-souris ici, mais des oiseaux cavernicoles un peu plus grands que des pigeons : les guacharos.
Pour la dernière journée sur le site de Palestina, nous nous sommes engagés à revoir et à valider l’équipement posé dans la grotte touristique de notre ami Elmer : la « Cueva Cascada Escondida » (Grotte de la Cascade Cachée), située dans les alentours de Palestina. Les cordes, amarrages et autres aides à la progression ont été posés il y a plus d’une dizaine d’années par le GSBM dans cette cavité, et son propriétaire souhaiterait que l’on vérifie que tout est encore fait selon les normes françaises. Nous décidons d’y aller tous ensemble pour s’offrir une dernière journée d’équipe, la dernière après plus d’un mois de vie commune. Le modèle est un peu différent de celui de la grotte touristique de Palestina puisqu’aucun guide n’est tenu d’accompagner son groupe ici, le public est équipé de casques et de frontales et part ainsi en autonomie explorer les bas-fonds de la grotte. La progression se fait à l’aide de cordes à nœuds, barreaux et échelles, jusqu’au fond et point culminant de la sortie où l’on découvre la fameuse cascade cachée.
Demi-tour en fin d’après-midi, direction Nueva Cajamarca pour boire un dernier jus tous ensemble. 5 devants (enfin dedans) et 6 derrières (enfin dans la benne) du Toyota Hilux qui laisse derrière lui un nuage de poussières. On longe les cultures de caféiers et bananiers, sous les nids suspendus des tisserands. Quelques rivières à traverser où des enfants se baignent près des ponts, pendant que les perruches profitent du soleil couchant pour un dernier vol.
L’Amazone, qui récupère toutes les eaux des rivières que nous croisons et de la région, constitue le plus grand fleuve du monde. Bien que sa longueur puisse se discuter selon les méthodes de calcul (plus de 6000 km), il est de loin le plus puissant du monde avec un débit moyen de 209 000 m3/s. C’est 5 fois plus que le fleuve du Congo, et 70 fois plus que le Nil (qui partage la même longueur que l’Amazone). Lorsque l’Amazone rentre dans la plaine amazonienne, sa pente devient tellement faible que l’on peut dire qu’il est simplement poussé par les eaux de ses affluents amont : en comptant environ 300 mètres de pente sur 5000 km de long, cela nous donne un demi-millimètre de dénivelé négatif tous les 10 mètres ! En termes de taille, lors de la saison des pluies, sa largeur peut atteindre 40 km et sa profondeur 100 mètres par endroit, tandis que son niveau peut monter de 20 mètres comparé aux périodes d’étiage. La différence du volume d’eau contenu dans le fleuve, entre saison des pluies et saison sèche, doit se compter en dizaines de milliards de mètres cubes, si ce n’est en centaines. Ces variations vont même jusqu’à provoquer une modification du champ gravitationnel terrestre.
Durant la dernière semaine à Palestina, quelques membres de l’équipe ont également eu l’occasion de prospecter dans les régions alentour, toujours à la recherche de nouveaux objectifs. Ce qui leur a valu une belle journée de “première” à Valle Andino, dernier village d’une vallée reculée et non loin de Nueva Cajamarca. Les habitants ont chaleureusement accueilli nos compagnons, pour cause : depuis la récente construction d’une route jusqu’au village, les villageois ont décidé de développer leur territoire en misant sur un tourisme de grottes. Plusieurs cavités horizontales sont en effet présentes sur leurs terres, et ne demandent qu’à être explorées et topographiées ! Voilà comment Jean-Loup, Jean-Yves, Christian et Elisa ont passé une journée à suivre une nouvelle rivière souterraine et a topographié 1521 mètres de galeries sans réussir à voir le bout. Les locaux n’en ont jamais touché le fond non plus… De quoi espérer l’exploration d’une nouvelle cavité majeure ! D’autant plus que deux autres entrées sont présentes à l’extérieur, un peu plus loin que celle-ci. En attendant, les habitants de Valle Andino ont commencé à promouvoir et à aménager l’accès à leur village et à leurs grottes dans l’espoir d’un tourisme futur. De quoi nous donner de nouvelles idées, et peut-être redonner l’envie à certains de poursuivre ou de relancer ici les expéditions du club ?
UNE PROCHAINE EXPEDITION ?
Cette dernière expédition péruvienne aura permis de lever le voile sur plus de 10 kilomètres de galeries souterraines, toujours dans les régions d’Amazonas et de San Martin, dont les reliefs et les calcaires offrent de belles opportunités de découvertes. Sur le sol péruvien ce sont plus de 700 cavités recensées et près de 150 kilomètres de galeries explorées. Si certaines zones reculées et encore non desservies par des routes demandent l’installation d’un camp sur plusieurs jours, les cavités déçoivent rarement, salles gigantesques et rivières souterraines sont monnaies courantes, tout comme les siphons, principales raisons d’arrêt de nos explorations.
Encore cette année, le GSBM a su partager et apporter son expérience au profit des Péruviens, tout en respectant au mieux leurs souhaits ou leur méfiance à notre égard. On peut facilement comprendre la lassitude voire le scepticisme de certains habitants à voir chaque année un groupe d’étrangers venus explorer leur territoire. C’est la raison pour laquelle on ne peut pas prendre sans donner. L’ouverture et l’humilité sont indispensables pour pérenniser un projet comme celui-ci, dont l’objectif n’est pas seulement de se faire plaisir en avalant des kilomètres de première, mais aussi de partager nos savoirs avec la population désireuse de se former à la spéléologie ou de développer une activité en lien. Cette même population qui constitue les ambassadeurs de la spéléologie péruvienne. Il doit s’agir d’un échange.
Tandis que notre semaine à Palestina a eu des airs de conclusion - de par la raréfaction des objectifs exploratoires et par l’aboutissement de projets en faveur des habitants - la rencontre avec ceux du village de Valle Andino a eu des airs de préambule. Les habitants, dont les projets liés au tourisme souterrain ne manquent pas, ont été plus qu’enthousiastes à la venue du GSBM. Les anciens ont également mis l’hiver à profit en repérant de nouvelles pertes sur Google Earth pour la région de Soloco. Assez pour rempiler en 2025 avec l’objectif de repérer de nouveaux objectifs en vue d’une plus grosse expédition en 2026...!
Participants : James Apaéstegui, Elisa Armijos, Pierre Bevengut, Maité Bienvenu, Jean-Yves Bigot, Pedro Diaz, Thibaud Duchateau, Olivier Fabre, Adeline Ferrandez, Raphaël Gueit, Jean-Loup Guyot, Diana Herrera, Liz Hidalgo, Julien Jeannin, Christian Klein, Jean-Denis Klein, Pablo Neyra, Carlos Pizarro, Antonio de Pomar, Florian Richard, Bastien Walter.