top of page

Le Protée, un Dragon des Profondeurs

Décrit pour la première fois à la fin du XVIIe siècle, le protée (Proteus anguinus) est un amphibien fascinant, exclusivement présent dans les réseaux souterrains de certains pays des Balkans. Ce prédateur des abysses s'est parfaitement adapté à la vie dans l'obscurité : peau dépigmentée, absence de yeux fonctionnels et métabolisme ultra-ralenti.

Le protée se distingue notamment par son incroyable longévité. Grâce à sa capacité à régénérer ses tissus et à sa sénescence négligeable (absence de vieillissement avec l’âge), il peut vivre jusqu’à 102 ans, bien que certains chercheurs estiment qu’il pourrait largement dépasser cet âge. Contrairement à la majorité des êtres vivants, les protées ne subissent pas de diminution de leurs capacités reproductives, de détérioration fonctionnelle ou d'augmentation de leur taux de mortalité liée à l'âge. Ils continuent à croître et à se reproduire tout au long de sa vie.


Le protée, un amphibien aux allures de dragon
Le protée, un amphibien aux allures de dragon


Les premières mentions historiques du protée remontent à la fin du XVIIe siècle. Après de fortes pluies, des créatures pâles et allongées furent emportées hors des grottes et découvertes par les habitants. Fascinés, ces derniers crurent voir de jeunes dragons, issus des entrailles de la Terre. Une légende slovène raconte que lorsque le dragon des montagnes prenait son bain dans un lac en altitude, l'eau débordait et s'infiltrait sous terre. Elle ressortait alors par les rivières souterraines, emportant avec elle de mystérieuses créatures pâles : les protées. Les habitants pensaient qu'il s'agissait des bébés dragons, rejetés dans les grottes après le bain de leur parent monstrueux. Cette croyance s'explique par l'apparence du protée, avec son corps allongé et ses branchies plumeuses, rappelant les dragons mythologiques.


Dès la naissance, le protée se dote de petits yeux rudimentaires, mais qui disparaissent au fil des trois premières années de sa vie. À la place, il conserve des vestiges recouverts d’une fine couche d’épiderme, lui permettant de distinguer vaguement l’ombre et la lumière. Son corps est long et cylindrique, mesurant entre 25 et 40 cm, avec une fine nageoire caudale facilitant ses déplacements. Ses membres, courts et presque atrophiés, possèdent trois doigts à l’avant et deux à l’arrière, contrairement aux autres amphibiens qui en ont davantage. Son museau aplati, garni de petites dents, lui permet d’attraper ses proies. Côté respiration, le protée est équipé de branchies externes, formant deux élégantes aigrettes rouges de chaque côté de la tête. Mais il peut aussi survivre hors de l’eau grâce à des sacs pulmonaires, bien que rudimentaires. Privé de vision, le protée a développé un éventail de capteurs sensoriels exceptionnels :

  • Odorat surdéveloppé : il détecte d’infimes traces de composés organiques dans l’eau.

  • Perception des vibrations : grâce à l’épithélium de son oreille interne, il ressent les ondes sonores et les mouvements du sol.

  • Sens électrique : certaines observations suggèrent qu’il pourrait détecter des variations de champ magnétique terrestre, facilitant son orientation.


Dans son environnement souterrain, la nourriture se fait rare. Le protée se nourrit d’un large éventail de petites proies cavernicoles : collemboles, isopodes, pseudo-scorpions, crevettes d’eau douce, araignées... Il les avale sans les mâcher et, dès qu’il en a l’occasion, fait de grandes réserves en stockant les nutriments dans son foie. Cette adaptation lui permet de survivre à d’importantes périodes de disette. Son métabolisme extrêmement lent le pousse parfois à rester immobile pendant de très longues périodes. Une étude sur plusieurs individus a révélé que certains n'avaient pas bougé d’un centimètre pendant près de 10 ans !

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le protée n’est pas un animal solitaire. Il vit en petits groupes, dissimulé dans les fissures rocheuses ou sous les pierres. Seuls les mâles reproducteurs font exception : ils défendent un territoire et tentent d’y attirer les femelles.

Curieusement, la reproduction du protée - dont la maturité sexuelle est atteinte seulement vers l’âge de 16 ans - reste un mystère : elle n’a jamais été observée en milieu naturel, rendant encore plus énigmatique cet animal des profondeurs.


Le protée est particulièrement vulnérable à la pollution des eaux souterraines et à l’activité humaine, qui dégradent peu à peu son habitat. Son statut en tant qu'espèce menacée pousse les scientifiques et les gouvernements à renforcer les mesures de protection pour préserver cet animal unique.


La légende des jeunes dragons souterrains a trouvé une résonance moderne dans la franchise Pokémon, qui s’en est inspirée pour créer la famille de Minidraco et ses évolutions. Une preuve que le protée, malgré son isolement dans l'obscurité, continue de fasciner et d’inspirer l’imaginaire humain.

bottom of page